Strasbourg n’aura donc pas battu son record historique de clean-sheets consécutifs. Un objectif devenu illusion après trois minutes de jeu hier face à Toulouse mais qui ne l’a pas empêché de réaliser le principal : gagner et suivre le wagon de tête constitué d’une locomotive et de cinq voitures. Pourtant le Racing m’a d’abord semblé suffisant, jouant comme si c’est lui qui menait au score. En réalité, son collectif était simplement meilleur, et il en était conscient. On est exigeants avec ces joueurs parce qu’on les sait capables de produire du bon football, ou plutôt des bons footballs. Un jeu de position comme sur le premier but, acquis au bout d’une séquence de possession longue de 20 passes en partant d’une touche qui a démontré une fois de plus que la maturité du jeu n’est pas une question d’âge. Puis une approche plus verticale sur le second but, sûrement le plus beau de la saison collectivement. Parce qu’il a mis en exergue tout ce qui est bon à prendre dans ce Racing. De la générosité, surtout, dans l’appel et la course d’Emegha pour progresser, attirer sur l’aile gauche et ouvrir l’axe à Nanasi. Celle de Lemaréchal sur sa remise à Santos qui lui a offert un angle de frappe que chaque amateur de ballon rond aurait aimé exploiter. Générosité, encore, lorsque Emanuel Emegha demande à la Meinau d’applaudir la sortie de Samuel Amo-Ameyaw, un gamin de 18 ans qui faisait ses débuts en Ligue 1, et dont la première touche a souvent amené du déséquilibré sur le côté droit. Générosité, toujours, comme lorsque Djordje Petrovic insiste constamment pour mettre en avant le travail du collectif quand on lui évoque ses nombreux arrêts décisifs. C’est aussi ce dont a besoin une équipe qui souhaite jouer le top 6. Se serrer les coudes, jouer pour les autres, faire cause commune. Exactement ce que les joueurs ont montré hier dans le dernier quart d’heure, sûrement encore capables de courir à fond et de jouer vers l’avant, mais moins frénétiques qu’en début de saison et surtout conscients qu’il est de plus en plus précieux de savoir garder un score. Cette équipe est née immature mais aura bien grandi en un an. Guidée par un esprit de franche camaraderie lors des joyeuses danses communes ou des taquineries en zone mixte. Une complicité contagieuse. Albert Camus disait que la vraie générosité envers l’avenir consistait à tout donner au présent. On ignore l’avenir du RCSA mais on savoure son présent. On ignore encore jusqu’où cette équipe terminera la saison, mais Strasbourg joue avec le sourire. Et nous, on finit par faire de même.