Parfois, c’est bon de plonger dans l’inconnu. Quitter le pays dans lequel on grandit et connaît toutes ses expériences dans le foot, en tant que joueur ou entraîneur. C’est ce qu’a osé Liam Rosenior en traversant la Manche l’été dernier. Il a trouvé en France une langue, culture et mentalité différentes. Qui ont sûrement compliqué son intégration dans un environnement éloigné des siens et où la grande majorité des supporters était au départ réticente sur le projet après une année Patrick Vieira difficilement convaincante, bouleversée par ce changement d’horizon radical.
Mais il a trouvé à Strasbourg tout ce dont il avait besoin. Une carte blanche sur la gestion d’une équipe juvénile dont il raffole, lui le formateur fédérateur dans l’âme qui semble être aussi pédagogue que pointilleux, un stade de foot qui pue le foot, un public qui fait partie des meilleurs en France quand il tire dans le même sens, un staff de confiance et des moyens hors-norme.
Tant pis si la fracture avec certains supporters l’a placé dans un embarras délicat, tant pis s’il n’est pas encore capable de se déplacer sans son ami traducteur Kalifa Cissé – dont il faudra parler un jour ou l’autre dans la réussite de ce projet, à mon sens – et tant pis si l’avenir de ses joueurs les plus prometteurs ne sera jamais de son unique ressort. Les contraintes existent dans ce Racing version Blue&Co, mais un entraîneur anglais qui n’a jamais connu autre chose que sa culture natale se plaît à Strasbourg. Et c’est une merveilleuse nouvelle pour tout le monde.
Rosenior est un carriériste, l’un de ces jeunes entraîneurs dogmatiques aux idées guidées par l’extrême désir du contrôle des événements. Il sait qu’il est engagé dans un système qui l’amènera peut-être à terme en Premier League, son rêve, qui a commencé à prendre forme lorsque des clubs anglais, Southampton et Leicester, finalement relégués en deuxième division, se sont manifestés. Il sait surtout qu’il ne faut pas brûler les étapes et progresser humblement. L’exact discours qu’il demande à ses joueurs d’appliquer. Sa prolongation est une excellente nouvelle pour le club mais son timing l’est encore plus. Vouloir rester à Strasbourg avant même de s’assurer de jouer une coupe d’Europe est le signe que le plaisir a dépassé l’enjeu.
Le plaisir de croire à ce projet qu’il incarne. Et quand on lui a demandé de se justifier en conférence de presse, il nous a regardé dans les yeux en disant qu’il se sentait comme à la maison. Maison qu’il ne partage plus seulement qu’avec son colocataire Kalifa Cissé – dont il faudra définitivement parler – mais qu’il a accepté d’ouvrir au peuple strasbourgeois la saison prochaine. L’histoire commune entre un club qui avait besoin d’un formateur fédérateur et un entraîneur qui avait besoin d’un projet où y mettre du cœur.