Entretien avec Julien Stéphan

Dans le magazine Alsa'Sports du mois d'octobre, Julien Stéphan nous a accordé une grande interview. L'entraîner strasbourgeois s'est livré sans détour et sans langue de bois. Retour sur une carrière déjà riche !

Pouvez-vous nous parler de votre parcours de joueur avant de devenir entraîneur ?

Il y a eu plusieurs parties. Dans la première, j’ai suivi les déplacements familiaux qui m’ont amené dans différents endroits tels que Lyon, Bordeaux puis Paris. J’ai terminé ma formation au Paris Saint-Germain et j’étais étudiant en fac de sport en même temps.

Derrière, j’ai signé un contrat professionnel à Toulouse dans une période où le club venait de tomber sportivement et administrativement de la Ligue 1 au National. C’était une période particulière avec l’épisode AZF [21 septembre 2021]. Après ça, je suis revenu en Île-de-France, au Racing Club de Paris en National, qui a été rétrogradé administrativement en CFA [aujourd’hui National 2] à une semaine du début du championnat. Deux expériences enrichissantes mais assez particulières. À leur issue, j’ai décidé de reprendre mes études et de jouer en CFA en Bretagne. Après deux années, j’ai dû faire un choix : celui-ci s’est porté vers l’entraînement.

Avec votre père (Guy Stéphan), vous avez baigné dans le monde du football depuis toujours…

En effet, j’ai toujours baigné dans ce milieu. Cependant, je n’ai jamais voulu faire du copié-collé, je devais trouver ma voie. Dès l’âge de 24 ans il était évident pour moi que cela allait passer par l’entraînement – plutôt par la formation : j’ai vécu beaucoup d'expériences avec des jeunes joueurs, tout d’abord dans un club amateur pendant trois ans – et ainsi me confronter à la réalité de l’entraînement. Lorsque l’on est joueur, on pense connaître ce que c’est alors que, en vérité, on ne sait pas du tout. L’entraînement, c’est une chose mais il y a également la gestion de groupe, la préparation inhérente au métier d’éducateur. Ensuite j’ai été dans des centres de formation durant dix années avec différentes catégories : deux ans à Châteauroux, deux ans à Lorient et six ans à Rennes. Cela implique d’avoir un public différent avec des étapes différentes à passer pour les joueurs afin de les emmener vers le haut niveau. Cette période m’a considérablement construit en tant que l’entraîneur que je suis aujourd’hui. Cela m’a aussi confirmé que ce métier était celui que je voulais faire toute ma vie. Pour être honnête, au début, je n’ai jamais imaginé aller vers le haut niveau. Ce n’était pas le premier objectif. Je voulais travailler dans la formation, développer les jeunes joueurs sur le moyen et le long terme.

Vous ne vouliez pas faire de copié-collé, mais le fait d’être fils d’entraîneur, cela ne vous a pas orienté vers ce métier ?

Je ne pense pas. J’ai été attiré par ça très tôt. J’ai passé mes premiers diplômes à 18 ans, j’ai obtenu le Brevet d’État premier degré à 21 ans, le deuxième degré à 25 ans ! Plus je passais de formations, plus je me mettais en situation et plus ça m'attirait, quel que soit le public. Ma première expérience, je l’ai vécue avec des gamins de quartiers difficiles pour beaucoup, qui n’étaient pas simples dans la gestion ! C’était une formidable école en termes d’apprentissage pour moi. J’en garde des souvenirs incroyables. Ils ne le savent pas mais ils étaient à la base de mon histoire d’entraîneur et ils ont été très importants dans cette construction. On a chacun notre chemin à tracer mais il est certain que j’ai eu accès à des choses dans mon adolescence que, normalement, on ne voit pas – un vestiaire pro, on n’y a pas accès. Or, j’ai eu accès à des matches de première division en étant juste derrière un banc (à Lyon) quand, normalement, on est en tribune. C’est certain que j’ai pu avoir des accès privilégiés.

Julien Stéphan et Jean-Eudes Aholou - 📸 Elyxandro Cegarra

Vous avez eu des accès privilégiés mais j’imagine que cela n’a pas que des avantages d’être le fils d’un entraîneur professionnel ?

On a une étiquette dans le dos. Il faut vite l'accepter sinon il vaut mieux faire autre chose. Cela peut être une source de motivation dans le sens où les gens qui veulent vous coller une étiquette, vous voulez leur montrer que l’on est capable d’avoir des compétences. Pour moi, cela fut une source de motivation et c’est quelque chose que j’ai accepté très rapidement. Aujourd’hui, je pense et j’espère avoir enlevé cette étiquette que l’on a pu me coller.

Quand on devient le plus jeune entraîneur de Ligue 1, est-ce qu’il peut y avoir une forme de complexe en ayant tout à prouver ?

Des complexes, non, je pense qu’il ne faut pas en avoir sinon cela aurait été mort-né. Que l’on ait tout à prouver, c’est une évidence ! Je l’ai vécu de manière très tranquille, pour deux raisons : la première, c’est que cela ne devait être qu’un intérim, même si cela n’avait pas été présenté comme ça – la réalité, c’est que cela ne devait durer que quelques matches : quelque part, on rend service à un club et à un président qui vous demandent de prendre le poste, on fait du mieux que l’on peut ; la deuxième raison, c’est que le premier match est intervenu 48 heures après ma nomination. En si peu de temps, il est difficile de mettre des choses en place. Le seul objectif que j’avais, c’était d’essayer de faire passer les deux ou trois idées que j’avais en tête. J’avais simplement ça comme objectif et puis vivre l'évènement le plus sereinement possible, tout en sachant qu’on est là pour accompagner l’équipe et pour lui donner quelques clés pour performer. Il se trouve que cela s’est très bien passé. Au bout de quelques semaines, quand on enfile véritablement le costume d’entraîneur, on passe vite du stade de l'insouciance au stade des problèmes à régler et du quotidien de la vie d’un entraîneur.

Est-ce que votre passage dans le football amateur vous a forgé pour le monde professionnel ?

Ce qui m’a principalement servi, c’est d’avoir fait quinze ans d’entraînement avant cette première expérience professionnelle. Quelque part, une séance d’entraînement, ça reste une séance d’entraînement, un match de foot, ça reste un match de foot. Ce qui change énormément, c’est le management et la communication chez les pros. Les problèmes de jeu sont plus subtils quand on est dans le haut niveau mais, quand on a fait quinze années d’entraînement, quinze ans où l’on a préparé des causeries et des matches, on a vécu des choses. La grosse interrogation, c’est comment gérer le management des joueurs professionnels, comment gérer les egos et comment gérer sa communication dans une période où l’on est ultra-médiatisé. J’ai eu la possibilité de débuter dans un club qui jouait en Coupe d’Europe, on disputait des rencontres tous les trois jours, il y avait des conférences de presse toutes les 48 heures. Tout ce que l’on dit est analysé et décortiqué, on n’a pas le droit à la moindre erreur. Là aussi, j’ai eu la chance d’avoir, pendant quinze ans, fait l’expérience de m’exprimer devant un groupe, devant des joueurs, ce n’était pas souvent face à des journalistes mais, quand on prend l’habitude de s’exprimer, ça facilite le travail.

Il faut être très concis, très clair, ne pas abreuver d’informations les joueurs. Ce sont des professionnels, ils connaissent leur métier. Il faut leur donner les quelques clés nécessaires à chaque match et qui peuvent permettre de faire tourner la rencontre. Au départ, le crédit, on le gagne de cette manière auprès des joueurs. Lorsque j’ai pris l’équipe à Rennes, même si cela faisait longtemps que j’étais au club et que je connaissais une partie des joueurs, ils ont très vite évalué ce que je pouvais leur apporter ou pas. Ensuite, c’est comment on gère les joueurs au quotidien, comment on parle avec eux, c’est ce qui détermine la relation qu’on peut avoir avec un groupe.

Vous avez évoqué la gestion des médias. Vous avez vraiment l’impression qu’il faut faire attention à chaque mot avec les journalistes ?

Il faut peser ses mots car c’est souvent repris derrière. Pas forcément par les médias mais également par les réseaux sociaux. Cela fait que chaque mot peut rester. Il n’y a pas de méfiance concernant le métier de journaliste mais plutôt par rapport à ce que l’on peut dire ou ne pas dire. Par moments, on aimerait dire des choses mais on se contrôle parce que l’on sait que cela peut être mal interprété ou sciemment mal interprété par certains. Ce sont les différentes expériences qui nous amènent à fonctionner ainsi et à mettre plus de filtres que l’on pouvait avoir au départ. On est obligé de se protéger, on ne calcule pas mais on doit faire attention.

Après votre « intérim », qu’est-ce qui vous a poussé à poursuivre l’aventure avec Rennes ?

Un mois et demi avant ma prise de fonction, j’ai eu une sollicitation de l’AS Monaco pour devenir adjoint de Thierry Henry alors que j’étais avec la réserve de Rennes à ce moment-là. Je venais d’avoir mon BEPF [Brevet d’entraîneur professionnel de football] quelques mois auparavant et je sentais que j’étais en bout de course et que je perdais un peu de motivation. Il fallait que j’imagine autre chose pour la suite de ma carrière. Dans un premier temps, soit le poste d’adjoint, soit un poste d'entraîneur en National ou Ligue 2 pouvaient être quelque chose de bénéfique. Lorsque s’est présentée la possibilité d’aller à Monaco, j’ai réfléchi un peu et j’ai informé le club de Rennes que je voulais répondre favorablement à cette offre. J’ai vu mon président et, après quelques discussions, il était d’accord pour me laisser partir avec une contrepartie financière (il me restait trois années de contrat). C’était tout à fait normal ; ce que je ne maîtrisais pas, c’était le montant de la contrepartie. Il se trouve que le montant était trop important pour un adjoint et cela a fait capoter l’affaire. Sur le coup, j’étais déçu car je me disais que c’était une opportunité qui n’allait pas forcément se représenter. J’essayais de relativiser car je crois beaucoup au destin et ce n’était peut-être pas le bon moment. J’ai alors continué mon travail avec les jeunes avant d’être sollicité par mon président pour prendre le poste d’entraîneur. J’y ai vu un signe du destin et, même si je n’étais pas certain d’être prêt, je me suis dit qu’il fallait que j’essaie pour voir ce que cela pouvait donner. Je devais y aller, sans complexe mais avec une humilité et l'incertitude que peuvent générer ce genre d’expérience. Le lundi matin, ça s’est fait, le mercredi on jouait à Lyon et il se trouve que, sur les cinq premiers matches, on s’est imposé cinq fois. Cela s’est donc transformé en quelque chose de pérenne.

Julien Stéphan - 📸 Mahdi Pourarab

Vous prenez la tête du Stade Rennais et réalisez une saison incroyable avec notamment une victoire en Coupe de France face au grand PSG…

Ce n’est pas normal, tout ce qu’il s’est passé. Je ne dis absolument pas ça pour me lancer des fleurs mais gagner les cinq premiers matches, ce n’est pas normal ni logique : dans les cinq premières rencontres, il y en avait quatre à domicile et cela faisait trois mois que Rennes n’avait pas gagné à domicile, ce n’était pas normal. Gagner un titre dans une carrière, c’est déjà très rare ; beaucoup de coachs ont fait de très belles carrières sans jamais remporter le moindre titre, alors, pour un jeune entraîneur qui, au bout de six mois, gagne une Coupe de France en ayant battu le premier, le deuxième et le troisième du championnat, ce n’est pas normal. Faire un huitième de finale de Coupe d’Europe en battant le Betis de Séville puis Arsenal à domicile, ce n’était pas normal non plus ! Sur les 22 journées de championnat à la tête de Rennes, on termine cinquième, il y a quelque chose qui n’est pas normal. Je n’ai vécu que des bonnes choses mais je savais que, à un moment donné, cela allait être plus difficile. J’en ai profité car on mange bien son pain blanc dans ces moments. Il se trouve qu’il y a eu une certaine continuité la saison suivante en se retrouvant sur le podium à la trêve jusqu’à l’arrêt du championnat en mars. Puis une autre expérience incroyable avec la découverte de la Ligue des Champions la saison suivante. Cela fait beaucoup de moments incroyables pour une première expérience !

Au début, tout va très vite, est-ce que vous réalisiez ce que vous viviez ?

Oui, on réalise ! J’avais vu, malgré mon inexpérience de poste en tant que numéro 1, ce que c’était, le poste d’entraîneur, toutes les difficultés et toutes les contraintes que cela génère derrière. Je l’avais vu de mes propres yeux, donc j’avais une idée bien précise de ce que cela pouvait être. Il faut quand même le vivre pour le comprendre à 100%. J’avais donc conscience de vivre quelque chose d’exceptionnel. J’ai peut-être un regret, c’est de ne pas en avoir profité d’avantage, c’était peut-être la période la plus faste de ma carrière. Quand on l’a vécue, on se dit que cela aurait été bien de pouvoir en profiter un peu plus. Lorsque les rencontres se répètent tous les trois jours, nous n’avons pas forcément le temps de l’apprécier. Je ne sais pas de quoi sera fait mon avenir mais ça, on ne pourra pas me l’enlever, on ne pourra pas l’enlever au club ou aux joueurs.

Récemment, nous évoquions les causeries avant les rencontres. Il y en a une qui a fait beaucoup de bruit, celle à la mi-temps de Rennes - Paris en finale de la Coupe de France…

C’est quelque chose de très instinctif qui nous vient. Ce n’est pas quelque chose de calculé et encore moins un rôle d’acteur, c’est vraiment ce que je pensais. C’est un moment particulier car c’est toujours un moment particulier, la prise de parole devant les joueurs. Dans ma jeunesse, j’étais quelqu’un de très timide, très réservé et j’avais beaucoup de mal à m'exprimer devant du monde. Il a fallu que je force ma nature pour y arriver et c’était un très bon exercice. Quel impact cela a vraiment sur les joueurs ? Je ne peux pas le dire ni le déterminer, je ne sais pas. Ce qui est certain, c’est que les joueurs ressentent l’état d’esprit de la personne qui parle en face d’eux. Quand quelqu’un cherche à les booster en permanence et à les sublimer, peut-être que cela a un tout petit pourcentage de réussite à la fin. Il faut quand même prendre conscience que ce sont les joueurs qui font le résultat. Savoir fédérer autour de lui, cela fait partie d’une des qualités d’un entraîneur aujourd’hui.

Vous avez connu la Ligue des Champions avec Rennes. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

Pas très bien à cause du contexte [rencontres à huis clos]. On a disputé le premier match de poule face à Krasnodar devant 7’000 personnes. C’était le dernier match avant le huis clos total. Il y avait 7’000 spectateurs comme il peut y en avoir 25’000 ailleurs. Il y avait vraiment beaucoup de bruit. L’entrée dans la compétition, je la vis très bien. Pour avoir disputé les rencontres face à Arsenal ou Séville devant 30’000 personnes, on pouvait regretter de ne pas en avoir autant car on savait ce que cela pouvait générer comme ambiance. Dès le match suivant à Séville, il y a l’instauration des rencontres à huis clos comme en Ligue 1, et là, très sincèrement, je n’en garde pas un bon souvenir. C’était une très bonne expérience car, dans la poule, nous avions le futur vainqueur [Chelsea], c’était le gratin du football européen. Malheureusement, il nous a manqué l’émotion et le partage. C’était une fierté d’avoir disputé des matches de Ligue des Champions mais j’étais frustré de ne pas avoir pu partager ces moments.

Quelques mois plus tard, vous décidez de démissionner du Stade Rennais. Une décision difficile à prendre ?

La plus dure que j’ai eu à prendre depuis le début de ma carrière. Peu importe les raisons pour lesquelles j’ai pris cette décision, je l’ai prise en mon âme et conscience et en pesant bien tout ce que cela pouvait me coûter – et ça m’a beaucoup coûté – mais cela me semblait être la meilleure décision pour tout le monde. Une fois que j’avais pris cette décision, je n’avais pas à la regretter, je suis quelqu’un de cérébral, cartésien et qui réfléchit beaucoup avant de prendre des décisions importantes. J’ai assumé et je l’assume encore aujourd’hui.

Après ça, on traverse différentes étapes. Tout de suite après, c’est le soulagement d’avoir été au bout de sa conviction mais cela ne dure pas longtemps. On rentre très vite dans une phase, je ne vais pas dire de déprime, mais pas loin. Il nous manque tout ! On est à la maison, très bien avec sa famille, mais on n’a plus ce qui fait l’essence même de notre métier : la vie de vestiaire, le partage avec le staff, les émotions et l’adrénaline. On traverse une période difficile quelques semaines et, une fois passée celle-ci, on entre dans la projection. Je me disais que, si quelque chose se présentait, je pouvais peut-être commencer à y réfléchir. Là où l’on franchit complètement le cap, c’est quand on se dit qu’on est prêt à réfléchir sérieusement à une offre. C’était les différentes étapes que j’ai vécues, je ne savais pas combien de temps ça prendrait mais j’ai vécu ces quatre étapes. On continue à regarder des matches, j’en ai vu beaucoup dans cette période car on continue à travailler et à aiguiser notre œil et notre cerveau.

On fait beaucoup de choses que l’on n’a pas l’habitude de faire ! Passer du temps en famille, profiter de ses enfants, les amener à l’école, manger avec eux… Tout ce que l’on ne peut pas faire dans une vie normale d’entraîneur ! On fait beaucoup de sacrifices dans ce métier. Je dirais même qu’on demande à nos familles de faire beaucoup de sacrifices. Ce sont plus les gens qui nous entourent qui subissent les sacrifices que nous faisons. Nous, ça peut nous peser de temps en temps mais on le choisit. C’est souvent difficile pour nos familles mais c’est la vie d’un entraîneur. Si l’on n’est pas prêt à faire ces sacrifices, on ne peut pas durer dans ce métier.

Julien Stéphan lors de la victoire face à Saint-Etienne (5-1)

On arrive à l’été 2021, le Racing se présente, pourquoi avoir accepté cette offre ?

Quand Strasbourg me contacte, cela me parle immédiatement et cela pour plusieurs raisons ! Sans les hiérarchiser, la première, c’est la ferveur. Après l’aventure que j’ai vécue à Rennes, avec le rapport que j’avais avec tous les salariés et les supporters, je n’étais pas prêt à repartir dans un endroit non-passionné. Le deuxième élément, c’est la mentalité qu’il peut y avoir en Alsace. Je trouve que c’est assez semblable à la Bretagne : des gens fiers de leur terre, des gens qui ne se livrent pas tout de suite et qui préfèrent prendre le temps d’apprendre à connaître – ça, ça me plaît ! Le troisième élément, et c’est celui qui fait forcément basculer les choses, ce sont les premiers discours du président Marc Keller. Quand ces trois éléments sont réunis et que Strasbourg se sauve à la dernière journée, cela ne me faisait pas peur : j’avais conscience que je ne rejoignais pas un club européen ni un club qui a les moyens financiers de pouvoir prétendre à l’Europe. Ce n’est pas parce que j’avais connu la Ligue des Champions que j’avais forcément l'ambition d’y retourner de suite. Il fallait trouver un environnement qui soit favorable à tout le monde, dans lequel on peut bien s’exprimer. Je suis très content d’avoir signé à Strasbourg.

Quelles sont vos attentes pour cette saison ?

La première attente, avant le début de la saison, c’était de renouer le lien avec le public qui nous avait beaucoup manqué. Voir l’équipe avancer et progresser au fil de la saison et voir un projet se développer sur trois ans avec un staff, des joueurs, des dirigeants et un président qui vous font confiance et qui font le maximum pour que ce projet aille le plus loin possible. Il n’y a pas d’objectif chiffré, ce serait trop difficile. Continuer à vivre de la même manière avec ce groupe que ce que l’on vit depuis le début de la saison. C’est très épanouissant pour tout le monde de travailler dans cette atmosphère.

On parle de « projet Racing », vous avez également un œil sur la formation ?

Bien évidemment. Il y a un lien fort avec le centre de formation, c’est Jean-Marc Kuentz. Il a une excellente connaissance du club et des jeunes. J’ai un œil attentif ! Il ne faut pas oublier que le centre de formation du Racing se reconstruit depuis cinq ou six années. Cette période, c’est le minimum d’un semblant de début de résultat par rapport à une première génération. Il faut encore patienter pendant quelques années pour voir les bénéfices du travail entamé par François Keller et son équipe. La formation, c’est un travail de longue haleine et de patience. Nous, notre rôle, c’est, lorsqu’il y a des joueurs qui frappent à la porte, de leur laisser l’ouverture pour s’exprimer avec les pros – dans un premier temps à l’entraînement et, s’ils montrent à l’entraînement qu’ils ont le niveau pour jouer, ils iront sur le terrain en Ligue 1.

Julien Stéphan - 📸 Claude Truong-Ngoc

Depuis, le lien avec le public a été retrouvé, comment vivez-vous votre histoire avec le public de la Meinau ?

J’avais employé le mot « exceptionnel » après le match perdu face à Lille (1-2), j’ai du mal à employer un autre adjectif. Je ne sais pas comment décrire ça mais l'atmosphère créée dans ce stade par ce public est incroyable. Elle met une pression permanente sur l’adversaire et, en même temps, elle doit permettre aux joueurs de se sublimer en permanence. Je ne vais pas leur faire de reproche mais ils font tellement de bruit qu’on ne peut même pas se faire entendre sur le côté avec les joueurs [rires] ! C’est à nous, staff, joueurs, de bien contrôler nos émotions par rapport à cette atmosphère que je dirais presque électrique. Là-dessus, on a encore un peu de travail à faire. Cela présente beaucoup d’avantages d’avoir cette ambiance mais il faut faire attention à garder une stabilité émotionnelle suffisamment forte et bonne pour que ça n'ait pas d’incidence dans nos prises de décision. Peut-être que, face à Lille, on a été un peu moins bien à ce niveau. Ce qui est particulièrement appréciable, et ce n’est pas de la communication, c’est que j’ai vraiment le sentiment que les gens savent reconnaître quand ça donne tout ou non. À la fin, ils étaient forcément déçus de la défaite mais ils ont reconnu que l’équipe avait fait le maximum jusqu’au bout pour inverser le match. C’est très appréciable d’évoluer dans cette atmosphère, c’est un public de connaisseurs !

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