Paul Adam est un homme qui aime construire, écrire et transmettre. Cet entrepreneur alsacien âgé de 57 ans est une véritable « success story ». Aujourd’hui à la tête du groupe Padam, Paul Adam a déjà créé ou repris une bonne dizaine d’entreprises. C’est aussi et avant tout un amoureux de sa région et … du Racing Club de Strasbourg, dont il est actionnaire et partenaire depuis 2012.
A l’époque, le club phare du football alsacien qui avait connu la liquidation judiciaire un an plutôt et qui restait sur une montée sportive en CFA, était une nouvelle fois en proie à de grandes difficultés. Pourtant aux cotés de Marc Keller, cela ne l’a pas empêché de se lancer dans cette aventure : la reconstruction du RCS. Alors que le Racing retrouve le professionnalisme et les lumières médiatiques, Paul Adam revient sur cette période où il a décidé « d’y allé ! ».
C’est Tomi Ungerer qui l’a écrit. Il y a en Alsace deux murs qui la bordent : celui de la forêt noire et celui des Vosges. Et au milieu, celui des lamentations d un peuple qui ne s’est jamais arrêté de se plaindre. De tout et souvent sans raison, mais quelquefois aussi à juste titre quand l’histoire l’a entraîné dans la tourmente et le mettant devant des choix cruels.
Les murs de la Meinau résonnent alternativement de cris de joie et de ces fameuses lamentations. Moins dramatiques que celles dont Germain Muller disait « redde mer nem devon » mais tout aussi pathétiques. Ce sont celles qui se font l’écho des tribulations du Racing.
Pourquoi donc vouloir se mêler soi-même à ce brouhaha cacophonique et inaudible ? Et d’y risquer, si ce n’est du temps, tout au moins de l’argent, voire une part de crédibilité ?
Parce que la disparition de ce mur des lamentations made in Alsace et pareil à nul autre qu’est le Racing serait catastrophique pour les adeptes du « Schadefreude », comprenez ceux qui se délectent du malheur ou de la défaite d’autrui mais quelquefois aussi de leur propre infortune. Ainsi certains » vrais amoureux » (du moins se décrivent-ils ainsi) du Racing peuvent aussi devenir ses pires détracteurs au gré des victoires ou des défaites de l’équipe. Ils en retireront ainsi une forme de satisfaction dans les deux cas. La disparition pur et simple du Racing priverait donc tout simplement bon nombre d’alsaciens d’émotions fortes et quelquefois de joies intenses mais aussi de revirements opportunistes.
Voilà donc déjà une bonne raison pour préserver un mur des lamentations, exutoire nécessaire à bon nombre de nos compatriotes.
J’ai pris la vraie dimension de la chose en discutant un jour de juin 1994 avec Guy Roux rencontré fortuitement sur une plage de Corse. Il m’a confié qu’en tant qu’alsacien, né à Colmar, le Racing était le club le plus cher à son cÂœur après l’AJA. Mais qu’un club qui changeait de présidents et d’entraîneurs à ce rythme n’avait que peu d avenir. Il est hélas venu lui-même le constater à ses dépens durant son court séjour à la Meinau.
J’ai eu la conviction à ce moment là que ce qui manquait avant tout à ce club était une constance avec des visions à long terme et surtout un ancrage régional fort de ses dirigeants. Les greffes prennent rarement en Alsace quand il n’y a pas de racines profondes. Les années qui ont suivi m’ont hélas donné raison. Quand j’ai retrouvé Henri Ancel dans une loge de la Meinau, avec qui j’ai usé mes culottes courtes à l’école primaire d’Ingersheim, il m’avait suggéré une forme de gouvernance autour de vingt entrepreneurs alsaciens, remplaçables et cooptés, liés par un pacte d’actionnaires assurant quoi qu’il arrive la pérennité du club. Cette forme de gestion écarterait aussi toute forme de spéculation ou de recherche d’intérêt personnel, qui a été tant préjudiciable au Racing. J’ai rappelé cette idée à Henri quand il m’a parlé récemment d’un pool d’actionnaires, soutenu par la ville et la région qui déléguerait la direction à un homme du métier. Quand j’ai su que cet homme était Marc Keller, et qu’il y avait Egon Gindorf à ses côtés, je n’ai pu qu’être fidèle à ma devise : Res Non Verba, des actes et non des paroles.
Et j’y suis allé.
Et enfin, j’ai un grand regret : celui de n’avoir pu être aux côtés de Marc et Egon lors de la finale de la Coupe de la Ligue gagnée le 30 avril 2005 au Stade de France. Egon m’y avait pourtant invité mais une fête de famille m’avait retenu en Alsace. Je me suis promis de revivre un tel instant de bonheur avec eux et tous ceux qui auront permis la reconstruction du Racing. En les aidant dans la mesure de mes moyens, afin que cela se réalise à nouveau.