Pascal Bridel, actuellement observateur pour l’AJ Auxerre depuis de nombreuses années, est un grand connaisseur du football. Retrouvez chaque semaine, son analyse sur le monde du ballon rond dans la rubrique « L’Âœil de Pascal Bridel ». Cette semaine, il revient sur l’annonce de la fin de carrière de Djibril Cissé. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, il n’aura laissé personne indifférent.
Il a fait le buzz une première fois dans un espace beaucoup plus réduit que le rectangle vert, lieu que je ne souhaite à personne, le temps de quelques heures le 13 octobre dernier puis lundi soir sur le plateau de J+1 sur Canal+. Puis ses nombreux(ses) fans le reverront encore dans la sixième saison de « Danse avec les stars » à partir de demain soir sur TF1. A l’aise sans ses crampons que ce soit dans le business et la mode, avec sa marque « Mr Lenoir » lancée en 2012, ou dans le cinéma lors de ses apparitions dans « Les dix commandements » et « Taxi 4 » en jouant à chaque fois son propre rôle, chose rare, il le sera à coup sûr sur TF1 pour sa première apparition dans une télé réalité. Mais il faudra malheureusement s’habituer à le voir dorénavant sans la balle au pied puisque il a annoncé officiellement la fin de sa carrière lundi (Crédit photo @CFC)
Vous aurez tous deviné qu’il s’agit de Djibril Cissé et ce ne sera une surprise pour personne que je lui adresse ce petit hommage après une carrière riche en émotions joyeuses, glorieuses mais aussi plus tristes. Joyeuses comme par exemple son premier trophée, la coupe Gambardella, remportée avec l’AJ Auxerre en 1999 après avoir fait sa première apparition en première division le 20 mars de la même année à même pas 18 ans contre le PSG. Ce même PSG contre lequel il remportera la coupe de France en 2003 marquant le but égalisateur de cette finale, sur un superbe service de Johan Radet, avant que son compère Boumsong ne donne la victoire aux Auxerrois.
Retour sur une carrière de 624 matchs et 258 buts
Voyageur il l’aura été et son palmarès va encore s’enrichir avec, cette fois-ci comme un autre illustre prédécesseur du centre de formation de l’AJA, l’Angleterre comme destination. A Liverpool il gagnera la coupe d’Angleterre en 2006 un an après avoir brillé sur la scène européenne en remportant la super coupe de l’UEFA avec à son actif deux des trois buts anglais face au CSKA Moscou. Mais l’on retiendra surtout cette mémorable finale de la Champions league 2005 remportée face au Milan AC qui menait pourtant 3 à 0 à la mi-temps. Cissé, après être rentré en jeu à la 85ème minute inscrira même un des tirs au but victorieux des Reds un mois après son retour à la compétition suite à la double fracture tibia-péroné dont il avait été victime en octobre 2004. Après un retour en France et un intermède à l’Olympique de Marseille, sans titre puisque l’OM finira second du championnat et perdra la finale de la Coupe de France en 2007, il traversera à nouveau la Manche pour Sunderland le temps d’une saison avant de poser ses valises en Grèce pour le Panathinaikos où une foule en délire l’accueillera à l’aéroport d’Athènes. Avec le « Pana » il finira deux fois meilleur buteur du championnat avec 23 et 20 buts et il glanera ses deux derniers trophées avec un doublé lors de la saison 2009/2010. S’en sont suivi un petit tour en Série A à la Lazio de Rome, à nouveau en Premier League au Queens Park Rangers, une pige de 6 mois au Qatar au Al-Gharafa SC puis une seconde de la même durée en premier liga Russe pour le FC Kouban Krasnodar avant l’ultime retour en France et l’île de beauté. Ironie du sort il marquera 2 de ses derniers buts en coupe de la ligue face à l’AJA son club formateur. Enfin pour finir et par amour pour le foot il acceptera un dernier défi sur l’île de la Réunion mais le 18 septembre dernier il n’aura tenu que onze minutes, son corps le faisant trop souffrir.
Ses cabrioles qui rendaient fou furieux Guy Roux, son corps véritable oeuvre d’art dans le domaine du tatouage, ses 90 buts sous les couleurs de l’AJA, tout cela a fait que Djibril ne sera jamais oublié sur les bords de l’Yonne. Et pas seulement par les supporters d’Auxerre mais par ceux de l’équipe de France aussi, car nombreux sont ceux qui ont encore en mémoire cette seconde vilaine double fracture tibia-péroné face à la Chine la veille du départ des Français pour le Mondial 2006. Aujourd’hui je vais même vous écrire ce que certains m’ont déjà entendu leur dire : La France a perdu la coupe du monde à Saint-Etienne le 7 juin 2006 en perdant Cissé car je me suis toujours dit que si Djibril avait participé à la coupe du monde c’est lui qui aurait été sur la pelouse du stade olympique de Berlin à la place de Trezeguet…
L’équipe de France, ou plutôt les équipes de France, parlons en. Djibril en a fréquenté plusieurs depuis les sélections de jeunes, avec un titre de champion d’Europe en 2000 au sein des moins de 19 ans, aux A en passant par les espoirs. C’est le 18 mai 2002 qu’il sera sélectionné pour la première fois en « A », contre la Belgique, des « A » avec lesquels il connaîtra en tout 41 sélections et inscrira 9 buts dont son premier contre Chypre le 7 septembre 2004. Son expulsion avec les espoirs contre le Portugal lui fera manquer l’Euro 2004 puisqu’il écopera d’une suspension qui l’aurait privé des 3 premiers matchs de la compétition. Surviendra le triste épisode de Geoffroy Guichard qui le privera à nouveau d’une compétition majeure, la coupe du monde 2006, alors qu’il avait fini meilleur buteur des bleus lors des éliminatoires avec 4 réalisations. Et il n’en aura pas fini avec les déboires tricolores : En 2008 il fait partie des 7 bannis qui quitteront leurs copains qui vont disputer l’Euro en Suisse et en Autriche. Accrocheur comme un diable, prêt à ne jamais rien lâcher il reviendra chez les bleus pour la coupe du monde 2010 lors de laquelle il participera au dernier match des Français en Afrique du Sud. Il honorera une dernière cape face à l’Albanie avec un stade de France entièrement acquis à sa cause lors de son entrée en jeu à 10 minutes de la fin.
Une relation Père Fils
La relation qu’entretiennent Guy Roux et Djibril Cissé n’est un secret pour personne. C’est une relation forte comme celle entre un père et son fils et lorsque le « Père » s’est adressé à son « Fils » sur Canal+ lundi soir (vidéo ci-jointe) on a ressenti ce côté solennel que l’on peut trouver lors d’un conseil de famille. Djibril a d’ailleurs lâché sur RMC le lendemain de ses larmes versées en direct sur Canal+ « Pour moi, c’est plus qu’un coach, c’est un membre de ma famille. C’est limite un deuxième père. Il est vraiment très, très important. Je ne le remercie jamais assez. Il sait tout l’amour que j’ai pour lui ». Lors de son mariage en 2005, avec Jude, Guy Roux avait notamment été son second témoin et lorsqu’il avait pris sa première retraite sportive en 2000 même la sÂœur à Djibril avait participé au clip tourné avec Fadiga et Kapo ou le quatuor chantait « T’en va pas Guy » sur un air de Yannick Noah et diffusé dans l’émission Téléfoot.
En exclusivité pour Alsa’Sports.com Guy Roux m’a parlé hier soir de cette relation unique dans le football entre un entraîneur et un de ses joueurs. « C’est une relation comme j’en ai eu beaucoup notamment avec les jeunes joueurs africains qui n’avaient pas de famille présente, une relation paternelle ou paternaliste ça dépend le mot qu’on veut employer. » A la question de savoir quel a été le souvenir le plus fort de cette relation, Guy Roux m’a répondu » Oh ben beaucoup, je le réprimandais, il se révoltait, on ne s’arrêtait pas aux mots. Quand je l’engueulais il faisait une sale tête. Mais il m’a fait vivre des moments supers, toutes les phobies, toutes les reprises de volées qu’il a faites que personne n’a jamais faites en France et puis un but en finale de coupe de France sur une passe de Radet qui nous l’a fait gagner. Il a quand même mis les deux dernières années 50 buts je crois ». Très bonne mémoire au passage du coach légendaire de l’AJA puisqu’il s’agit exactement de 51 toutes compétitions confondues ! Mais l’aspect humain reprend vite le dessus sur le côté statistique » Lundi soir le fait de lui avoir fait verser des larmes m’a ému aussi, il a fondu, il n’a pas eu tellement de gens qui l’ont aidé dans sa carrière« . Et Djibril le sait, il pourra toujours encore compter sur celui qui a bâti sa carrière » C’est maintenant que c’est le plus dur pour lui, je serais là ».
Djibril Cissé aura été un grand sportif, un grand footballeur qui restera gravé à tout jamais dans les mémoires et les cÂœurs des passionnés de football qui l’ont vu jouer dans les différents stades des clubs qu’il aura fréquenté. Mais un footballeur reste avant tout un homme et rien n’empêchera jamais un homme de verser une larme.