Pascal Bridel, actuellement observateur pour l’AJ Auxerre depuis de nombreuses années, est un grand connaisseur du football. Retrouvez chaque semaine, son analyse sur le monde du ballon rond dans la rubrique « L’Âœil de Pascal Bridel ». Cette semaine, il revient sur les déboires de Michel Platini…
Il ne s’agit pas du coup de boule de Zidane sur le thorax de Materazzi mais d’un coup de semonce qui frappe un autre numéro 10 de l’équipe de France et il va lui falloir beaucoup de souffle pour se sortir de cette tourmente. Bien plus qu’il n’en avait en 1972 lorsqu’il a été recalé par le FC Metz, spiromètre en bouche, avant de rejoindre finalement l’AS Nancy-Lorraine où il commencera à briller avec l’équipe réserve en troisième division nationale face à… l’ASCA Witelsheim à qui il marquera trois buts. Wittelsheim qui sera d’ailleurs relégué cette saison en question à deux points près en compagnie de l’ASM Belfort, une relégation qu’elle doit sans doute à celui qui ne deviendra peut-être jamais président de la FIFA.
Pas commode le bonhomme
A vrai dire je ne ne serai pas sincère en vous affirmant que la sanction demandée à l’encontre de Platini me peine. Je n’ai jamais caché que je ne partageait pas toujours ses avis et surtout un plus spécialement : Celui de s’obstiner à être contre l’assistance vidéo. Ensuite j’ai également l’un ou l’autre souvenirs pas très glorieux de Platini dont celui du gamin que j’était et qui l’a attendu un jour lors de sa descente d’avion à l’aérodrome de Colmar-Houssen. L’aéroport d’Entzheim étant en travaux, des vols étaient transférés sur la piste colmarienne et l’AS Saint-Etienne qui devait jouer à Strasbourg avait fait escale à Colmar. Ayant été informé de cette aubaine, avec quelques copains nous avions enfourchés nos vélos et étions allé guetter l’arrivée des verts en bons chasseurs d’autographes que nous étions. Et bien d’autographe de Platini je n’en ai point eu sur le tarmac, au contraire j’ai failli atterrir – sans jeu de mot – dans un bac à fleur. Le sieur « Platoche » n’a pas daigné nous consacrer le moindre petit moment et n’a pas voulu se prêter au jeu des dédicaces. Près de vingt années plus tard j’ai collaboré activement à l’organisation du jubilé de mon Ami Didier Six à la Meinau (14 mai 1990). Platini était sélectionneur de l’équipe de France à ce moment là et quelques joueurs sélectionnables se sont désistés bizarrement au dernier moment… je ne vais donc pas m’apitoyer sur sont sort aujourd’hui !
Une somme colossale sans aucun contrat !
Ces (mauvais) souvenirs ont refait surface quand, en début de semaine, la chambre d’instruction de la commission d’éthique de la FIFA a préconisé la radiation à vie de l’ancien triple ballon d’or. Si sur ce coup là il ne s’agit pas d’or mais de monnaie sonnante et trébuchante, le montant et les circonstances de ce que l’on reproche à Platini (et à Blatter d’ailleurs aussi) est tout simplement hallucinant. 1.8 million d’euros perçu en 2011 pour une mission datant de 1999 à 2002. Le tout sans contrat, sans écrit, à la bonne franquette comme la merguez et la bière offertes au dirigeant du club amateur pour les services rendus à titre de bénévole ! Qu’une saucisse, une ligne de ketchup dans un bout de pain et un demi ne soient pas liés à un contrat soumis aux avocats des différentes parties cela ne choquera personne mais le versement d’une telle somme tant d’années après… Heureusement que les présidents des clubs amateurs ne sont pas aussi mauvais payeurs car la merguez aurait eu le temps de se carboniser et le pain durci au fil des années n’aiguiserais même pas l’appétit d’un lapin.
Le seul motif reproché ?
Mais cette radiation à vie de toute activité dans le football réclamée par Vanessa Allard, en charge de l’instruction à la FIFA, est-elle motivée uniquement par cette rocambolesque histoire d’honoraires versés sans réel justificatif ? Il y a fort à parier que d’autres motifs pourraient se dissimuler sous les raisons d’une sanction aussi sévère. Va t’on bientôt nous reparler de la coupe du monde du Qatar ou plutôt de ce fameux dîner à l’Elysée ayant eu lieu le 23 novembre 2010, à peine quelques jours avant le vote destiné à attribuer la coupe du monde 2022 ? Ce jour-là Nicolas Sarkozy avait convié au tour d’une table Platini en compagnie du Cheikh Tamin Ben Hamad Al-Thani, à l’époque prince héritier du Qatar, et le Cheikh Hamad Ben Jassem premier ministre et ministre des affaires étrangères de l’émirat. Étrangement, Platini avait alors affirmé après ce déjeuner présidentiel qu’il était au courant de qui devait y participer avant de revenir sur sa position et déclarer qu’il ne l’était pas une fois que la polémique avait été engagée. Plus surprenant a été le vote du 2 décembre suivant et l’attribution du mondial 2022 au Qatar, à la surprise générale, avec le soutien de Platini qui jusqu’à ce fameux déjeuner à l’Elysée avait soutenu les Etats-Unis. Platini avait d’ailleurs affirmé que «Sarkozy ne m’a jamais demandé de voter pour le Qatar, mais je savais que ce serait bien» avant de préciser qu’il avait senti « Qu’il y avait un message subliminal » de la part de Sarkozy. Le Qatar a donc obtenu le droit d’organiser la coupe du monde en 2022 et quelques mois plus tard le PSG a été racheté par les Qataris à la grande satisfaction d’un des plus fervents supporters du club de la capitale… Rien d’étonnant donc qu’en 2013 France Football citait le nom de Nicolas Sarkozy dans le scandale du « Qatargate » en faisant allusion à une possible corruption de Michel Platini pour l’obtention de la Coupe du monde 2022 par le Qatar. Le magazine spécialisé du football Français revenait, à l’époque, sur ce fameux déjeuner de novembre 2010 à l’Elysée auquel avait également participé le représentant de Colony Capital, propriétaire du PSG à l’époque. France Football affirmait de surcroît que » Nicolas Sarkozy aurait promis le vote de Michel Platini pour la Coupe du monde 2022 au Qatar, en échange du rachat du PSG, de la création de la future chaîne de télévision BeIn Sport et de la montée en puissance de l’actionnariat qatari au sein du groupe Lagardère« .
Alors, carton rouge à vie ? Nous le saurons bientôt…