En fin de compte, lui aussi est un jeune qui apprend au fil de cette saison inédite pour tout le monde. Il a bel et bien dirigé 90 matches anglais en tant qu’entraîneur principal avant Strasbourg, mais le Racing est son premier club à l’étranger, et le premier en première division (Derby County en D3 et Hull City en D2). Alors Liam Rosenior débarque prudemment en France, en Alsace, en restant humble et discret mais en affichant ouvertement une volonté de produire un football spectaculaire. Mission réussie après 30 journées de Ligue 1 qui ont placé le RCSA dans le lot des équipes pour qui (presque) tout le monde a de l’affection.
Son équipe a des résultats forts en jouant bien et le place dans une situation qu’il n’a jamais connue sur un banc de touche : celle d’un club qui a plus de concurrents derrière que devant lui au classement et qui est en train de chatouiller l’Europe. Son Hull City avait terminé 15ème en 2023 et 7ème en 2024, son Strasbourg est 7ème à trois points de la Ligue des champions et c’est une nouveauté excitante dans sa carrière de coach.
On le lui rabâche dès que possible, les questions en conférence de presse, les projections dans la presse, les attentes du public de la Meinau mais aussi celles du football français. On pourrait s’en émouvoir mais le football est ainsi fait. D’un coup tout s’accélère et même si le train-train quotidien des acteurs du jeu consiste à dire qu’il faut procéder “match par match”, le jeu est parfois amputé par l’enjeu.
Une approche à priori plus restrictive sur la composition de départ à Monaco, où les offensifs Nanasi, Amo-Ameyaw et Lemaréchal ont été mis sur le banc au profit de joueurs à vocation plus défensive (Moreira et Barco, puis Diarra plus haut que d’habitude), qui s’est confirmée ensuite sur le terrain. Un ballon laissé à des Monégasques in fine supérieurs et des salves d’occasions qui auraient coûté cher si Djordje Petrovic ne s’appelait pas Djordje Petrovic. Le premier tir cadré du Racing s’est produit après 65 minutes et 19 secondes de jeu, le plus tardif dans l’histoire du club.
Alors je vous vois venir. Non, ce n’est pas un reproche fait à un entraîneur qui a toutes les bonnes raisons de jouer comme il l’entend, mais simplement le constat d’un sprint final qui va sans doute bouleverser de plus en plus le jeu. Grossissons le trait. Si Rosenior avait joué la gagne il aurait peut-être perdu, alors il a joué pour ne pas perdre. Ce n’est pas le style de jeu qui a façonné cette équipe et qui nous a charmé. Mais son choix a été payant et induit plusieurs choses.
Oui, quoi qu’on en dise Liam Rosenior pense à l’Europe autant que nous, voire plus car c’est un carriériste qui débute et qui est conscient de l’opportunité de briller à Strasbourg. Oui, il a quelque peu dérogé à ses principes parce que l’étau se resserre et la pression s’accentue. Oui, tout le monde a des idées mais qui sont parfois ébranlées par un contexte qui nous dépasse, nous, non-titulaires d’une carrière de footballeur. Mais non, ce n’est pas le seul entraîneur à faire ça, ils le font tous, en réalité. Le plus dogmatique du circuit aura toujours tendance à devenir le pragmatique d’un soir.