Pascal Bridel, actuellement observateur pour l’AJ Auxerre depuis de nombreuses années, est un grand connaisseur du football. Retrouvez chaque semaine, son analyse sur le monde du ballon rond dans la rubrique « L’Âœil de Pascal Bridel ». Cette semaine, il revient sur un club bien sympathique, Belfort ; avec à sa tête, des amoureux du football…
Comme je l’ai déjà expliqué lors du tout premier édito de la saison, les amateurs de football ont le choix pour suivre des rencontres de National cette saison avec trois formations dans un rayon de 150 kilomètres. Ce qui fait la joie de ces passionnés fait aussi le bonheur des clubs qui peuvent dépêcher leurs observateurs quasiment chaque vendredi que ce soit à Strasbourg, Colmar ou Belfort.
Direction le Territoire de Belfort
Début de la semaine dernière, en regardant le programme du National, j’ai vu que ça allait être Strasbourg / Sedan ou Belfort / Les Herbiers pour moi. Restait plus qu’à attendre quel match allait m’être affecté et c’est mardi que j’apprenais que ce sera la direction du Territoire de Belfort que je prendrais pour la 21ème journée de ce championnat. A Strasbourg ils ont fait des efforts considérables cette saison en ce qui concerne l’accueil des observateurs et on y est vraiment très bien reçu, je profite de l’occasion pour remercier le club Alsacien. Mais ce n’est pas pour autant que je boudais mon plaisir de retrouver Serzian qui n’a pas les mêmes structures que la Meinau mais où j’aime aussi beaucoup m’y rendre pour son cadre familial et chaleureux. Vendredi soir je prenais donc la route pour Belfort avec tout de même une appréhension quant à la tenue du match, ou non, vu la météo et sachant qu’il y neige plus fréquemment que chez nous en Alsace. Par précaution je me renseigne, avant le départ, auprès de Marie-Jeanne, la sympathique trésorière de l’ASMB, sur les conditions météo et le devenir du match. Elle m’informe qu’il commençait à neiger et qu’ils attendaient les arbitres mais à une heure et demie du match hors de question d’attendre encore pour partir. Deux risques étaient à courir : Ou je décide de ne pas y aller et le match se joue ou j’y vais et le match est remis mais ma conscience me dictait de ne surtout pas prendre le premier. Plus je me rapprochais de Belfort, plus la neige tombait et à peine le péage de Fontaine franchi Marie-Jeanne m’informait que la décision de remettre le match venait d’être prise. Il ne restait que quelques kilomètres jusqu’à Belfort et de toute façon pas moyen de quitter l’autoroute avant pour faire demi-tour donc autant passer par le stade pour saluer les Belfortains, surtout que la veille je plaisantais avec Maurice Goldmann en lui signalant que son porte bonheur serait là le lendemain et donc qu’il ne perdrait pas, référence à mes 5 matchs vus cette saison à Belfort sans la moindre défaite de la part de ses joueurs.
The show must go on
Arrivé au stade, accompagné de Jorge De Carvalho, nous croisons des spectateurs qui en repartaient déçus et qui pensaient nous apprendre que le match était remis. Une fois les portes franchies nous ne regrettions pas d’avoir fait le déplacement même si nous n’allions pas voir le moindre ballon sur le rectangle devenu blanc. The show must go on et ce n’est pas Ian Boucard, le speaker, qui allait assurer le spectacle mais Goldmann en personne, Maurice et non Jean-Jacques. Quelques tables, un barbecue, des bénévoles du club, le président Jean-Paul Simon et ce sacré Maurice qui démarre au quart de tour en nous voyant arriver « T’avais raison, tu es mon porte bonheur ce soir on ne perdra pas ! » et d’enchaîner immédiatement « Tu veux une merguez, un hot dog, une bière ? Dépêches toi de te décider il ne reste presque plus rien ». J’avais prévenu Jorge De Carvalho que ça n’allait pas être triste et l’entrée en matière ne faisait que confirmer ma prédiction. Le président Simon, en bon gestionnaire, a rapidement mis les pendules de son coach à l’heure « ce n’est pas open bar ce soir, on a déjà perdu une recette » mais on ressentait la complicité entre les deux acteurs de cette pièce de théâtre impromptue.
Nous avons rapidement été rejoints par Laurent Oberlé, l’observateur du Racing Club de Strasbourg, qui avait également fait le déplacement. Et là, d’abord sur les marches des tribunes puis un peu plus haut dans celle-ci, le show continua en s’adressant à Laurent Oberlé « Il faut que vous montiez cette année, c’est obligatoire avec votre stade, votre public. Purée quand tu montes sur le terrain pour l’échauffement et tu te fais siffler par 10 000 spectateurs ça te fait bÂ….. ». Puis il poursuit sur l’accueil que Belfort a eu à la Meinau « Je ne connaissais pas Marc Keller, je le croyais différent mais il est super sympa et simple » avouant avoir fait ce constat avant le match de Strasbourg lors d’une première rencontre à l’occasion de la conférence d’octobre dernier donnée à Mulhouse par Keller avec Arsène Wenger et Léonard Specht, impression confirmé après le match pourtant perdu contre les Strasbourgeois. « On a foutu le bordel à Strasbourg, ils ont dû nous foutre dehors des loges, on était les derniers. La serveuse nous a dit on ferme messieurs, je lui ai répondu qu’on est venu de Belfort, qu’on a perdu, qu’on en a pris deux et qu’on ne partirait pas avant d’avoir vidé le fût de bière ». Tout cela en serrant, pendant cette discussion à quatre, quelques louches par-ci par-là à des supporters qui, au passage, avaient bien tendu les oreilles et qui se permettaient de faire remarquer que leur accueil avait laissé à désirer, tendant la perche à Goldmann pour embrayer sur ce sujet « C’est vrai que nos supporters n’ont pas été à la fête dans leur package, pas d’accès aux toilettes ni aux sandwichs mais il est vrai que c’était dans un contexte particulier avec les mesures de sécurité exceptionnelles prises après les attentats qu’on a connu ». Fair-Play le Maurice sur ce coup-là.
Il ne m’a pas calculé, j’étais là comme un con
Puis ce fut au tour de Sochaux de faire partie de cet entretien avec le souvenir des entraînements de Guy Lacombe qu’il allait suivre. « Il m’avait invité à venir assister à ses entraînements et la première fois lorsqu’il m’a croisé, je lui ai tendu la main et il ne m’a pas calculé, il est passé à côté de moi, j’étais là comme un con. Un adjoint à Lacombe avait remarqué la scène et lui a signalé qu’il ne m’avait pas vu il est alors revenu sur ses pas pour me serrer la main, l’adjoint en question m’expliquant qu’une fois sur le terrain il était dans une concentration extrême. Je l’ai vu mécontent un jour lors d’un taureau qui ne fonctionnait pas et il a pris l’odomètre pour mesurer lui-même si les distances de la surface de jeu avaient été respectées. Plus tard, à la tête du PSG, il m’avait invité à le rejoindre à son hôtel Strasbourgeois la veille d’un match contre le Racing, j’avais emmené un ami. On a fait le déplacement jusqu’à Strasbourg pour le voir 10 minutes le temps d’une bière ! Il nous a lâchés pour aller surveiller ses joueurs. » Ensuite changement de sujet et on a même eu droit à une devinette « Quel joueur Alsacien qui a joué en équipe de France passe partout où il va ? » Aucun de nous trois n’ayant trouvé, il nous donne la réponse « Bernard Genghini, lors de la conférence qu’Arsène Wenger a donné il est arrivé et personne ne lui a rien demandé alors que tout était bouclé ». Wenger, justement, lui a aussi laissé un souvenir précis, celui d’un passionné de foot qui ne vit que pour le foot. « Après cette conférence je voulais discuter un peu avec lui et comme il n’était pas trop tard il a accepté mais à condition de trouver un endroit où boire un bon verre de vin. Il m’a raconté qu’à Monaco il avait un appartement de 150m² dans lequel il n’avait qu’un lit et une grande télévision » et de faire la comparaison avec Laurent Blanc « qu’on appelait à Bordeaux dernier arrivé premier parti pour aller au golf ».
Des souvenirs il en a emmagasiné le prof de sport qui avoue que « Ott c’est mon pote » en faisant une rime sans le vouloir. Et là subitement resurgit celui d’un match contre l’AJ Auxerre C en CFA 2 lors de la saison 2009/2010, une rencontre remise comme celle de vendredi soir sauf que celle-ci comptait pour les matchs aller. L’ASM Belfort s’était renforcée à la trêve hivernale avec l’arrivée de Sithana Somphouchanh et ce dernier ne pouvait donc participer à la rencontre en question reprogrammée en février. « Je me souviens de ce que tu as fait, tu es venu me prévenir qu’il fallait le retirer de la feuille de match si non nous perdions le match. Vous avez été super fair-play avec Claude Barret. La saison dernière, Fleury Mérogis est venu pour le match où nous devions fêter le titre, notre dernier à domicile et ils avaient oublié leurs licences. Après une heure de palabres avec l’arbitre on a quand même joué le match et il m’a dit Mr Goldmann ne venez pas demain avec des réserves, je lui ai répondu que j’avais qu’une parole et on a joué etÂ… perdu 1 à 0. Si j’ai agi comme ça c’est grâce à l’AJ Auxerre et ce que vous aviez fait à l’époque, je me suis souvenu de votre geste ».
Je lui ai dit Monsieur car je ne le connaissais pas
On a terminé ce moment par un retour en arrière et un match qui a fait basculer la saison de l’ASMB selon son coach après que Laurent Oberlé lui ai rappelé la débâcle de Munster, contre les SR Colmar, à laquelle il avait assisté « On a pris une branlée ce jour-là » et il nous raconte ce qui s’est dit à l’issue de ce match et les conséquences de cette branlée sur son groupe « J’ai dit Monsieur Ollé Nicoll, je lui ai dit Monsieur car je ne le connaissais pas, nous en match amical on n’est pas bon mais en championnat on va venir gagner chez vous. Et on l’a fait ! (Il se marre comme il en a l’habitude) On a eu la chance qu’un adversaire de Colmar s’est désisté pour leur dernier match amical et qu’ils nous ont contacté. Toute la semaine qui a suivi on s’est remis en question et on s’est dit qu’on ne peut pas jouer comme on jouait jusqu’à maintenant, que le National c’est un autre championnat et on bat Amiens lors de la 1ère journée ».
Dommage que Strasbourg / Sedan était télévisé et que les sangliers d’Ardennes soient les prochains adversaires de Belfort car Maurice était attendu chez son président pour suivre la rencontre et préparer sa prochaine rencontre, sinon il y a fort à parier que nous serions rentrés plus tard que si le match avait eu lieu. Celui qui se fait chahuter comme un gamin en classe par ses collègues en salle des profs termine par une dernière boutade « Le lundi matin je mets l’ambiance en déconnant en salle des profs alors on me demande de me calmer et on me dit que j’ai sans doute de nouveau gagné ce week-end ». Et c’est Fabrice Jacques, le non moins sympathique secrétaire de l’ASMB, qui met la cerise sur le gâteau lorsque nous quittons Serzian « Dit à Sabine (la secrétaire de direction de l’AJA) qu’elle n’a pas besoin d’envoyer un mail pour demander ton invitation, tu viens chez nous quand tu veux ! ». Un pur moment de bonheur que cette soirée-là que nous avons vécu avec Laurent et Jorge. Le football autrement, le football simplement.