Certains supporters du Racing Club de Strasbourg Alsace s’en souviennent certainement, Pierre Ménès était intervenu à l’antenne de Canal Plus au printemps 2011 en tirant la sonnette d’alarme à propos du club de la capitale européenne en disant que le Racing était en train de « crever dans l’indifférence générale » alors qu’il se battait pour remonter en Ligue 2. Depuis, le RCSA a sombré dans les bas-fonds du football français et s’en est extirpé non sans mal après cinq saisons de lutte à re-gravir les échelons. Durant ces années, et même auparavant, le célèbre et influent journaliste n’a jamais caché son amour pour le club plus que centenaire. A quelques jours de la très probable remontée du club en Ligue 2, nous sommes allés à la rencontre de Pierre Ménès, entretien :
Lorsque le Racing était retombé au bas de l’échelle, est-ce que vous suiviez le club chaque week-end ?
Ah oui, je regardais toujours les résultats. A partir du moment où Marc (Keller, ndlr) a sauvé le club avec ses amis, évidemment je suivais les résultats. J’avais Marc au moins une fois par semaine au téléphone. Marc c’est comme mon frère, pourtant Dieu seul sait qu’il est difficile de faire deux personnalités aussi radicalement différentes que Marco et moi, mais bon, nous, ça fait maintenant 27 ans qu’on est amis. Je l’ai vu débuter au FC Mulhouse. Entre lui et moi, c’est beaucoup plus fort que le football et que tout ce que l’on veut. C’est un terme qu’on galvaude souvent, mais Marc c’est mon meilleur ami.
Avec ses deux montées successives en deux ans, sous les ordres de François Keller en tant qu’entraineur, dans des championnats aussi compliqués que le CFA et le CFA 2 où beaucoup de club se sont enterrés, c’est une performance rare…
Bien sûr ! Surtout que le club est vraiment reparti de nulle part. Je me souviens des fois où j’étais venu voir Marc à Strasbourg, il allait même contrôler les plaques de contre-plaqués des nouvelles buvettes. Moi qui ai connu ce stade en Ligue 1, en coupe d’Europe contre Liverpool… moi qui ai connu la montée avec Gilbert Gress contre Rennes avec la Meinau pleine. Ce stade qui est… c’est mon stade préféré en France ! Certainement parce que j’y suis sentimentalement attaché. J’adore ces stades carrés, un peu en hauteur, à l’anglaise. C’est vrai que ça fait mal de voir le club aussi bas. Mais d’un autre côté, la mort du FCM m’avait fait mal aussi, parce qu’avant le Racing, je suivais Mulhouse pour « L’Équipe » avec Domenech et toute la bande… Pour moi qui suis parisiano-breton, bizarrement je suis extrêmement attaché à l’Alsace. C’est complètement une histoire d’amour avec cette région. Et quand je vais voir Marc, je retrouve des gens que je connais depuis 20 ans, 25 ans, c’est agréable !
Vu de loin, que pensez-vous de l’engouement des supporters autour du club grâce à qui le Racing a fait voler en éclat tous les records d’affluence des divisions qu’il a traversé depuis cinq ans ?
Il faut prendre le truc à l’envers ! Qu’une place aussi forte du football en France soit tombée aussi bas, c’est quelque chose de totalement anormale. Il y a des gens qui sont nostalgiques, qui ont envie de revivre et de revoir de la Ligue 1 à la Meinau. Il y a d’anciennes générations, de nouvelles générations, quand je vais revenir à la Meinau je verrai des têtes de supporters que je connaissais déjà avant.
En descendant au plus bas, le Racing n’a pas perdu ses supporters, au contraire, il en a gagné, au final, ce n’est pas étonnant ?
Non, parce qu’il y a toujours une solidarité dans la douleur. Maintenant ce club est géré de façon extrêmement professionnelle. Parce que Marc ne sait pas faire autrement, et tant mieux ! Maintenant, la Ligue 2 arrive. Certes ce n’est pas encore la Ligue 1, mais la Ligue 2 c’est déjà LE football. Le National c’est un enfer… c’est vraiment un enfer ! En début de saison je l’avais dit, j’avais dit que Strasbourg allait monter parce qu’en moyenne une équipe a une espérance de vie de trois ans en National. Ensuite soit elle monte, soit elle descend. L’année a peut-être été un peu plus compliquée que prévu. Offensivement, ce n’est pas au niveau de la défense. Je n’ai pas vu tous les matchs, mais de ce que j’ai vu sur les résumés, il y a beaucoup de maladresse devant le but. Dans le football français aujourd’hui, le mec qui est adroit devant le but il joue tout de suite au sommet de l’élite. J’ai regardé le match contre Bastia à la télé vendredi soir, c’était une rencontre bien maîtrisée. Evidemment, il y a une pression, maintenant il n’y a plus qu’un point à prendre sur trois matchs, ça devrait quand même se faire.
Vous venez de le dire, il ne manque plus qu’un point à prendre au Racing pour valider sa montée en Ligue 2. A quel type de match faut-il s’attendre vendredi face à une équipe d’Amiens qui a encore une carte à jouer pour l’accession ?
Peut-être que le Racing va enfin rencontrer une équipe qui va venir à la Meinau avec un autre objectif que de ne pas prendre une branlée et Amiens ne peut pas se contenter d’un match nul, donc ils vont certainement plus se découvrir que d’autres équipes. Il faudra que le Racing soit aussi efficace en contre, mais la base c’est quand même la solidité de cette défense.
Après sa montée en National en 2013, le Racing a connu une saison très difficile ensuite avec une relégation sportive mais un repêchage administratif durant l’été. A quel type de saison vous attendez-vous de la part des bleus dans quelques semaines en Ligue 2 ?
Honnêtement, ils peuvent jouer le maintien, soit sur un vent d’euphorie ils se retrouvent en Ligue 1 dans un an ou finir en milieu de tableau. Là, pour le coup, tout est possible. Il n’y a qu’à regarder Evian Thonon Gaillard qui va certainement faire Ligue 1 > National en deux ans. Aujourd’hui il y a des spirales… qui aurait dit qu’Angers, qui est pourtant une équipe assez faible, allait faire cette saison-là en Ligue 1 ? Aujourd’hui, c’est très très difficile de faire des pronostics, mais à partir du moment où tu as une bonne organisation et de la détermination les bonnes choses arrivent. L’avantage de Strasbourg, c’est que Strasbourg en Ligue 2, c’est Strasbourg ! C’est-à-dire qu’il va y avoir du monde. Si ça marche bien, il y aura toujours plus de monde. Il y a des joueurs qui vont se dire qu’aller jouer à Strasbourg en Ligue 2, en ne voulant faire injure à personne, ce n’est pas aller jouer à Bourg-en-Bresse. C’est quand même autrement plus prestigieux. Les mecs peuvent espérer monter en Ligue 1 et se faire plus remarquer.
En parlant de Ligue 2, l’annonce a suscité beaucoup de moquerie avec le naming « Dominos Ligue 2 », qu’en pensez vous ?
Alors franchement, je n’en ai rien à faire. Si ça apporte un peu de finances aux clubs c’est bien. Après, c’est vraiment de l’effarouchement de pucelle, on s’en tape. Si Dominos file de l’argent aux clubs, tant mieux. Après, il est bien évident qu’avec l’assouplissement de la loi Évin qui se profile, d’ailleurs en toute logique, si à Strasbourg on peut vendre de la bière au stade, avec les brasseurs en Alsace, ça peut aussi donner une puissance économique un peu plus forte au Racing, comme à Reims avec le Champagne…
Beaucoup de supporters sur les réseaux sociaux demandent votre présence dans le kop lors de votre venue pour le match du 3 juin face à Dunkerque. Vous allez y faire un tour ?
Je viendrai dire bonjour sur le terrain avant le match. De toute façon, j’arriverai au stade une heure et demi avant le coup d’envoi donc ce ne sera pas compliqué de me voir. A la fin du match, je serai là aussi. Si je viens voir le Racing c’est aussi pour voir le match avec mon ami, je serai avec Marc. Et pour ceux qui me demandent pourquoi je ne viens pas vendredi… Je ne suis pas disponible, j’ai une émission de télé pour la liste de Deschamps et il y a le salon du foot donc je serai le week-end à Paris. Puis d’une manière générale, je n’ai pas envie d’être là le soir de la montée, ça appartient au club, à Marc, à Jacky, aux joueurs, au staff et à tous les gens qui ont fait des efforts. Je ne serai pas là mais bon, je sais que ça fait plaisir aux gens que je vienne. Mais je ne suis pas là pour tirer ne serait-ce qu’un bout de couverture à moi. L’année dernière j’appréciais beaucoup le jeu de Troyes, j’y suis allé, mais j’ai attendu le dernier match pour la fête.