Pascal Bridel, actuellement observateur pour l’AJ Auxerre depuis de nombreuses années, est un grand connaisseur du football. Retrouvez chaque semaine, son analyse sur le monde du ballon rond dans la rubrique « L’Âœil de Pascal Bridel ». Cette semaine, il nous parle de la fin heureuse pour un joueur humble des SR Colmar…
Qu’on a pu être facteur avant de devenir footballeur professionnel dans les années 70, ok ça passe et c’est tout le mérite de Jean Tigana qui a été employé des PTT comme on les appelait à l’époque avant d’entamer une carrière riche de plus de 500 matchs de 1ère et 2ème division et de coupe de France, 47 de coupe d’Europe et 52 sélections en équipe de France. Du haut de son mètre 68 et avec ses 62 kilos, le frêle milieu de terrain affiche à son palmarès 5 titres de champion de France de D1, 2 coupe de France, 1 trophée des champions et bien sûr l’Euro 1984 dont tout le monde a encore en tête les images de sa chevauchée sur le flanc droit en demi finale face au Portugal alors qu’on se dirigeait vers la séance de tirs aux but.
Aujourd’hui il est quasi impossible de passer à travers les mailles du filet
Cette aventure sportive hors du commun s’est déroulée dans un contexte où les tout premiers centres de formation n’en étaient qu’à leurs balbutiements avec les pionniers Français en la matière qu’étaient Sochaux en 1974 et Nantes en 1978, rejoints par Auxerre en 1981. Aujourd’hui passer à travers les mailles du filet des recruteurs est quasi impossible, tellement ils sont nombreux à se poster au tour des mains courantes chaque week-end ou souvent même en semaine. Et autant, s’il est improbable qu’un jeune talent ne soit pas remarqué très jeune, autant il n’aura que l’embarras du choix vu que tous les clubs professionnels français ont aujourd’hui un centre de formation. Sans compter que nos représentants de Ligue 1 et Ligue 2 ont affaire à la concurrence de l’étranger pour les meilleures pépites recensées en France et ceci alors qu’ils sont de plus en plus jeunes.
Une leçon humaine avant tout
Mais dire que l’exception à la règle n’existe plus serait une fausse affirmation, la preuve en est avec un des tous premiers transferts pour la saison à venir (si l’on peut appeler cela un transfert) qui vient de se réaliser et un rêve qui va se concrétiser pour un joueur qui n’a pas été facteur mais qui aura attendu bien plus longtemps pour que son vÂœu de devenir footballeur professionnel devienne réalité. Avec ses 4 centimètres de plus que Tigana pour le même poids, Sébastien Chéré vit un vrai contes de fée lui qui avait au moins deux bonnes raisons de se dire que les portes du football professionnel se sont fermées à lui à tout jamais.
D’abord lorsque, égoïstement j’aurais envie de dire, le président et le coach des SR Colmar se sont opposés au départ de leur capitaine lors du dernier mercato hivernal et là on aurait pu parler de transfert car même étant sous contrat fédéral Sébastien Chéré aurait pu renflouer un tantinet les caisses d’un club qui en aurait eu grandement besoin eu égard à ses soucis avec la DNCG et aux autres pépins financiers qui secouaient le club. Refuser à un joueur de 29 ans, exemplaire dans la vie et sur le terrain, l’opportunité de rejoindre les rangs d’un club professionnel de Ligue 2, je pensais que cela ne pouvait même pas exister ! Je n’ose même pas imaginer les nuits d’un joueur qui suivent cette décision, des nuits où le sommeil a du être long à venirÂ…
Et comme si cette fin de non recevoir ne suffisait pas il y a eu cette vilaine blessure au genou le 25 mars face à Boulogne avec la rupture des ligaments croisés, une des pires blessures que peut redouter un footballeur et qui aurait, cette fois-ci, définitivement pu mettre un terme à l’espoir de rejoindre le monde professionnel pour Chéré. Seulement voilà, aussi inhumaine qu’a pu être la décision de le retenir en janvier à Colmar autant le club de Bourg a fait preuve d’humanisme en restant en contact avec celui qu’il convoitait depuis maintenant quelques saisons et de plus en plus fort depuis l’été dernier à tel point d’être revenu à la charge cet hiver. Prévu pour être remis complètement de sa blessure et opérationnel en septembre, soit 3 mois après la reprise de l’entraînement de Bourg, Hervé Della Maggiore et Gilles Garnier, respectivement entraîneur et président, lui ont tout de même accordé leur confiance en lui faisant signer son premier contrat professionnel dans sa 30ème année. Un conte de fée qui se réalise finalement quand même pour Sébastien Chéré et surtout une vraie leçon humaine donnée par les dirigeants du club de Bourg-en-Bresse Péronnas 01.
(crédit photo @LAFA Philippe Bergolt)